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Quel vin avec du chevreuil : les crus structurés et élégants pour le gibier

Quel vin avec du chevreuil : les crus structurés et élégants pour le gibier

Chevreuil et verre à la main : une danse sauvage et raffinée

Il y a des plats qui n’acceptent pas la médiocrité. Le chevreuil en fait partie. Cette chair noble, sombre, sauvage et miroitante, ne se laisse pas apprivoiser avec un vin tiède et sans colonne vertébrale. Non, le gibier appelle l’épopée, le souffle long, la tension maîtrisée. Et qui sommes-nous pour lui refuser cette mélodie vineuse aux tonalités profondes ?

Dans l’imaginaire gastronomique français, le chevreuil incarne une élégance rustique, celle des forêts embrumées et des tablées dominicales où la patience du mijotage rivalise avec l’attente d’un grand cru arrivé à maturité. Alors, que verser dans votre carafe lorsque l’on s’attable devant une selle rôtie, un civet aux airelles ou une côte marinée aux herbes des sous-bois ? Embarquons ensemble, verre à la main, dans ce voyage sensoriel où l’on marie gibier et flacons comme on scelle une alliance entre feuillage humide et tannins racés.

Chevreuil : une viande qui aime la structure

Avant de déboucher quoi que ce soit, prenons un instant pour humer notre sujet. Le chevreuil est une viande maigre, au goût puissant mais raffiné, qui s’exprime mieux avec des cuissons lentes ou rôties, souvent escortées de sauces corsées. Conjugué à des saveurs de baies, de champignons, de vin réduit, le plat prend de l’ampleur et réclame un vin qui sait parler fort sans crier, un vin avec de l’épaule, du grain, et – surtout – de la tenue.

Ici, les vins trop jeunes, acides ou légers, risquent de s’éclipser comme un figurant timide dans un opéra. Le moment est venu d’inviter sur scène des rouges charpentés, aux tannins bien fondus, qui convoquent la forêt, la terre, parfois même un soupçon de giboyeux en écho. Les régions classiques répondent à l’appel, mais ne boudons pas quelques outsiders bien inspirés.

Bordeaux, l’appel des Graves et du Médoc

Commençons par le plus évident, ou plutôt, le plus classique : Bordeaux. Mais attention, pas n’importe lequel. Le Médoc avec ses cabernets sauvignons à la charpente noble, Saint-Estèphe avec son austérité raffinée, ou même Pessac-Léognan avec ses notes fumées, sont des partenaires de choix.

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Un Château Sociando-Mallet, un peu assagi par quelques années de garde, aux tannins patinés et à la complexité aromatique (graphite, mûre, humus) accompagnera magnifiquement un filet de chevreuil saignant nappé d’une sauce grand veneur. L’équilibre entre le jus corsé de la bête et la rectitude du cru bordelais frise l’alchimie. Pensez carafage : ces vins aiment respirer lentement, comme un cerf dans la brume matinale.

Rhône septentrional : Syrah, l’élégante animale

Là, on monte d’un cran dans la sensualité sauvage. La syrah des terroirs frais, à la fois florale et sanguine, offre un subtil miroir à la richesse du gibier. Cornas, Hermitage, Côte-Rôtie… Chaque appellation déploie une variation autour du thème du poivre, du cuir noble, des fruits noirs compotés.

Je me souviens d’un Saint-Joseph de Gonon bu avec un civet de chevreuil doucement mijoté dans un vieux Cahors. Le vin vibrait de fraîcheur et de droiture, caressé d’arômes de violette fanée et de bacon, pendant que la viande livrait sa trame sauvage sans résistance. Une vraie conversation entre deux âmes charnelles, ni brutale, ni sirupeuse, simplement juste.

L’irrésistible Bourgogne, quand la finesse frôle l’instinct

Un chevreuil? Et de la finesse? Oui, mais seulement si l’on met l’accent sur la cuisson rosée et l’accompagnement végétal – purée de céleri, jus réduit parfumé au genièvre, quelques airelles acidulées… Là, un Pinot Noir de belle origine peut entrer en scène.

Un Gevrey-Chambertin mature ou un Volnay 1er cru offrira cette tension entre délicatesse et complexité, entre fruit rouge évolué et petites notes giboyeuses secondaires (champignon sec, humus, truffe blanche). Ne cherchez pas la puissance mais la profondeur, la capacité du vin à murmurer à la viande plutôt qu’à la dominer.

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Pensez harmonie, pas affrontement – comme deux biches qui se croisent sans un bruit au cœur de la forêt de Brocéliande.

Sud-Ouest et Languedoc : le soleil corsé en équilibre

Ici, on parle de vins de caractère, mais qui ont appris à tempérer leur feu. Le Cahors (cette patrie adorée du Malbec avant l’Argentine), offre des puzzles aromatiques fascinants pour accompagner la noblesse du gibier. Choisissez un domaine qui travaille en bio ou en biodynamie, où la concentration n’écrase pas la délicatesse, comme le Domaine Cosse-Maisonneuve.

Autre option : les Terrasses du Larzac – ces rouges languedociens qui balancent entre herbes sèches, oliviers noirs, garrigue et prune fraîche. Une épaule de chevreuil frottée au thym sauvage trouvera là un époux aux arômes solaires mais droits. On danse sur une crête entre rusticité assumée et élégance du sud.

Italiens, Espagnols : les partenaires inattendus

Parfois, les anecdotes de dégustation sont les plus puissants conseils. J’ai souvenir d’un dîner où un Barolo (Cavallotto 2010) fut servi sur un rôti de chevreuil aux cèpes. Et ce fut comme revoir un vieil ami sous une lumière différente : la vinosité ample, la rose fanée, les herbes sèches d’un Nebbiolo parfaitement évolué faisaient écho à chaque arôme du plat avec un naturel désarmant.

Côté Espagne, le Ribera del Duero en version haute couture (Vega Sicilia, Pingus… ou plus modestement Hacienda Monasterio), sur un chevreuil mariné au vin rouge et au romarin. Avec leurs Tempranillo mûrs, faussement tanniques, ils épousent parfaitement la texture de la viande sans jamais l’écraser. Ne les sous-estimez pas.

Et les audacieux ? Syrah australienne, Merlot chilien, cabernet californien…

Pourquoi ne pas traverser les océans ? Un Shiraz d’Australie (Penfolds, d’Arenberg…), dense mais structuré, au nez de poivre de Tasmanie et de cuir chaud, viendra renforcer la tonique animale d’un plat de gibier. Bien dosé, c’est une caresse géante, un feu dans la nuit.

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Idem pour un Cabernet Sauvignon de Napa, surtout s’il accuse quelques années de bouteille : des notes mentholées, de cassis confiturés, et l’élégance boisée d’un élevage intelligent, tout cela s’accorde magnifiquement à un chevreuil mariné, braisé longtemps, réduit jusqu’à l’essence.

Mais, toujours la même règle d’or : évitez la surextraction, le sucre résiduel, le bling-bling vineux. Le chevreuil mérite mieux que des effets de manche.

Accords atypiques : et si on sortait du rouge ?

Certains oseront une expérience œnologique plus marginale : un vin oxydatif du JuraVin Jaune sur un chevreuil en croûte et champignons, ou même un Blanc riche du Rhône (Viognier ou Marsanne/Roussanne) sur un plat aux accents sucrés-salés. Le paradoxe devient possible quand le vin et le plat jouent la même partition aromatique.

Enfin, pour les rebelles lyriques : le vin orange géorgien, tannique, épicé, enveloppant, est un caméléon qui peut surprendre plus d’un gourmet sur un plat de gibier à l’automne. Mais là, on entre dans l’aventure…

Conseils de service et dernières touches

  • Carafage : Pour la majorité des vins évoqués, surtout s’ils ont moins de 8 ans, la décantation est quasiment obligatoire.
  • Température : Visez les 16-18°C, mais pas plus. Un vin surchauffé devient pataud et tue les nuances de la viande.
  • Verre : Choisissez un verre à large calice, qui permet au vin d’ouvrir ses bras aromatiques et d’embrasser pleinement chaque arôme de votre plat.

Et n’oubliez pas, un grand accord, c’est aussi une histoire de contexte. Autour de la table, l’humain donne au vin son supplément d’âme, comme la conversation autour d’un feu de bois. Alors débouchez, goûtez, partagez… et que la chasse au bon goût soit fructueuse.

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