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Quel vin avec des lasagnes bolognaise : les vins rouges du sud et leur puissance maîtrisée

Quel vin avec des lasagnes bolognaise : les vins rouges du sud et leur puissance maîtrisée

La lasagne bolognaise : un poème (gras) en couches multiples

Ah, la lasagne bolognaise… Ce monument de la cuisine italienne qui sent bon la grand-mère toscane même quand il sort de notre four parisien trop petit. Plat de partage, de patience et de générosité, la lasagne bolognaise est à la fois rustique et sophistiquée — un mille-feuille carné et réconfortant où mijotent des heures d’amour cachées sous une croûte gratinée.

Mais face à ce plat à la fois terrien et noble, surgit la question essentielle du compagnon liquide : quel vin pour tenir le crachoir à cette diva en sauce ? Réponse : le Sud. Oui, les rouges méridionaux, solaires, charpentés, parfois fougueux, mais toujours bien élevés quand ils sont bien choisis. Car, comme dans tout mariage réussi, il ne s’agit pas d’éclipser l’autre, mais de danser à deux, puissamment, savoureusement, et avec une pointe de sensualité maîtrisée.

Pourquoi le Sud ? Une histoire de chair et d’âme

La lasagne bolognaise, dans sa version orthodoxe — celle qui ne triche pas avec des dès de jambon ou du cheddar, mamma mia — est composée d’une riche sauce ragù, mijotée avec viande hachée (généralement porc et bœuf), oignon, carotte, céleri, vin rouge, tomates et herbes. L’onctuosité de la béchamel vient arrondir le tout, ponctuée de fromage gratiné pour l’embrassade finale.

Il faut donc un vin qui ne se laisse pas écraser par autant de générosité. Les rouges du Sud, avec leur chaleur, leurs tanins présents mais fondus, leur palette d’épices, de fruits noirs et de garrigue, sont les compagnons idéaux. Ils répondent à la viande, se fondent dans la sauce, caressent le fromage. Ils apportent un contrepoint solaire, charnu mais jamais retors.

Les appellations ensoleillées à la loupe

Mettez vos lunettes de dégustation et sortons la carte des terroirs méridionaux. Voici quelques pistes sérieuses à explorer :

  • Vacqueyras AOC : Ce village du Sud de la Vallée du Rhône est une pépite pour les amateurs de vins puissants mais équilibrés. Assemblage classique de Grenache, Syrah et Mourvèdre, on y trouve des notes de mûre, de tapenade et parfois de poivre noir. Sa structure tannique et sa finale épicée en font un parfait candidat pour une lasagne à la sauce généreuse.
  • Minervois : En Languedoc, le Minervois joue souvent les seconds rôles face aux stars de Corbières ou Faugères, et pourtant… Son potentiel est immense. Des arômes de fruits cuits, une bouche veloutée, et cette pointe d’herbes sèches des garrigues — voilà de quoi faire danser les couches de lasagne dans votre assiette.
  • Bandol rouge : Direction la Provence, avec un vin qui a du coffre. Le Mourvèdre règne ici en maître, et il faut souvent quelques années de bouteille pour qu’il s’adoucisse et déploie ses arômes de cuir, de figue et de romarin. Avec une lasagne bolognaise, un Bandol de 7 ou 8 ans, c’est un accord magistral – comme deux quarantenaires passionnés qui se retrouvent et ne se lâchent plus.
  • Côtes-du-Roussillon Villages : Ces rouges souvent à dominante de Grenache et de Carignan possèdent une gourmandise immédiate, sans manquer de profondeur. Leur vivacité et leur trame presque sanguine réveillent le plat, tel un rayon de soleil sur une sauce qui mijote.
  • IGP Coteaux de l’Ardèche ou Collines Rhodaniennes : Hors des grands labels, certains domaines osent la liberté et signent des cuvées sincères, parfois surprenantes, mais toujours vibrantes. Syrah sur schiste, Grenache en altitude : si c’est bien fait, votre lasagne dira “merci” en italien.
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La clef : puissance, mais contenue

Attention cependant à ne pas franchir le Rubicon de la brutalité. Certains rouges sudistes, notamment quand ils flirtent avec les 15 degrés et les concentrations extrêmes, peuvent virer au combat de sumos sur la langue. La lasagne, même généreuse, reste un plat finesse dans sa complexité. Il lui faut une structure qui soutienne, pas qui écrase.

Cherchez donc des cuvées avec équilibre : élevages bien menés (pas trop boisés), tanins fondus, fraîcheur préservée. Un bon vigneron du Sud aujourd’hui sait faire cela. Fiez-vous aux millésimes plus anciens, aux domaines engagés, et… à votre caviste de confiance (celui qui connaît vos péchés, mais vous garde ses meilleurs flacons).

Quelques jolies bouteilles à mettre sur table

Voici, pour celles et ceux qui aiment les exemples concrets, quelques suggestions dans les rayons :

  • “Les Calades” – Domaine Cazes (Côtes Catalanes) : souple mais solaire, avec une trame chocolatée irrésistible.
  • “La Dame Rousse” – Domaine de la Mordorée (Lirac) : charme du Rhône méridional, sérieux et plaisir dans le même verre.
  • “Château Pradeaux” – Bandol rouge : le Mourvèdre dans toute sa plénitude, pour une lasagne d’exception ou un dimanche pluvieux avec opéra de Verdi en fond sonore.
  • “Le Mas Amiel Vintage” : pour les audacieux, ce vin doux naturel muté (mais pas trop sucré) peut créer un accord inattendu, suave et sensuel. Risqué, mais parfois le feu couve sous la couche de parmesan.

Anecdote de four et de vin renversé

Je me souviens d’un dimanche de janvier, pas le froid insoutenable, mais celui qui gratte un peu l’âme. Lasagnes au four, mes nièces qui jouent à m’interroger sur les “vins de grand”, et cette bouteille de Minervois 2015 que je venais d’ouvrir. À table, premiers effluves, la lasagne qui masque tout d’abord le vin, puis le révèle. Bouche après bouche, le vin s’épanouit ; le gras de la viande rend le fruit plus rond, les herbes sèches du vin réveillent l’origan dissimulé sous le fromage. Et soudain, la nièce a renversé son verre, le tapis s’en est souvenu, mais moi davantage encore — la justesse de cet instant. Et ce Minervois, droite colonne vertébrale de ce plat de cœur.

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Et si on sortait un peu des sentiers classiques ?

Vous vous sentez d’humeur expérimentale ? Tentez un rouge italien du Sud comme un Nero d’Avola sicilien ou un Primitivo des Pouilles. Leur générosité tannique, leur fruit solaire et leur typicité aromatique peuvent redessiner les contours de votre lasagne bolognaise. La famille critiquera peut-être. Le palais, lui, se souviendra.

Un mot sur le service, parce qu’il compte aussi

Servez vos rouges du Sud légèrement rafraîchis – entre 15 et 17°C –, car la chaleur peut exacerber l’alcool. Utilisez de grands verres pour laisser respirer les arômes, et n’hésitez pas à carafer si la bouteille le mérite. Le vin prendra le temps de s’ouvrir… un peu comme les couches de lasagne qu’on découvre avec gourmandise.

Et pour les puristes (ou les joueurs), glissez quelques copeaux de parmesan dans le fond du verre vide. Juste pour voir ce que le vin a encore à vous dire.

Autour d’un tel plat, il ne s’agit pas d’impressionner, mais de partager. Un bon rouge du Sud ne s’exhibe pas, il s’invite. Il sait faire rire, consoler, exalter. Il tricote des souvenirs en bouche et des complicités autour de la table.

Alors, que vous soyez Syrah du Rhône ou Mourvèdre de Bandol, jouez la carte du soleil maîtrisé. Votre prochaine lasagne n’en sera que plus grande.

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