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Château Moulin Bellegrave : découverte d’un grand vin de Pomerol aux arômes riches

Château Moulin Bellegrave : découverte d’un grand vin de Pomerol aux arômes riches

Une terre, un souffle, un flacon : bienvenue à Pomerol

À l’est de Libourne, sur ce que certains appellent affectueusement « l’îlot enchanté » du Bordelais, s’allonge une bande de terre modeste en taille mais géante en réputation : Pomerol. C’est une appellation sans château clinquant ni route tapissée de cèdres centenaires, mais avec un terroir qui frôle le sacré. Là, sur ces sols sablo-graveleux, mêlés d’argiles ferrugineuses (les fameuses « crasses de fer »), s’épanouissent des merlots au grain serré que le monde entier s’arrache… Et c’est justement ici que le Château Moulin Bellegrave affirme sa singularité.

Château Moulin Bellegrave, l’élégance sans tapage

Prenez Pomerol. Écartez les flashs, les étiquettes culte, la démesure parfois artificielle du luxe viticole. Ce qui reste ? Un domaine comme Moulin Bellegrave. Familial, discret, enraciné. Ici, on cultive la vigne comme on cultive l’amitié : avec patience, respect, et cette fidélité élégante qui fait les grands vins et les longues tables.

Le domaine s’étend sur un peu plus de 9 hectares aux abords du hameau de Catusseau, en plein cœur de l’appellation. Cela fait plusieurs générations que la famille Borderie veille sur les vignes, avec une attention presque artisanale. Ce qui m’a frappé en les rencontrant, c’est cette humilité, ce refus des effets de manche. À croire que chez eux, on préfère que ce soit le vin qui parle. Et il a tant à dire.

Le Merlot comme maître de chœur

Pas de secret ici, mais une évidence : le merlot est roi à Pomerol, et Moulin Bellegrave lui accorde presque tout l’espace, à hauteur de 85 %. Le reste ? Un soupçon de cabernet franc, pour structurer la partition. Ensemble, ils signent une cuvée à la fois suave, profonde et interprétée avec une grande précision.

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Ce qu’on aime particulièrement dans les vins du Château Moulin Bellegrave, c’est leur capacité à être à la fois accessibles et complexes. Leur texture soyeuse, leur palette aromatique chatoyante – allant de la cerise noire mûre au cacao, en passant par des notes de truffe et de sous-bois – séduit aussi bien le néophyte curieux que l’amateur averti.

Mais attention : ne vous attendez pas à une surenchère boisée ou à des tanins bodybuildés. Ici, l’élevage – 12 à 14 mois en fûts de chêne français, dont environ 30 % de bois neuf – est finement dosé. Comme une touche de parfum précis, jamais envahissant.

Dégustation : une balade sensorielle entre velours et épice

J’ai eu la chance de déguster le millésime 2019 dans les chais mêmes du domaine, un matin d’octobre où l’humidité se mêlait aux effluves de barriques toastées. Le vin s’ouvre sur une robe pourpre intense, presque opaque. Au nez, c’est un panier de fruits noirs éclatants : prune, mûre, cassis, rehaussés d’un soupçon de réglisse et d’un trait sibyllin de truffe noire.

À l’attaque, la bouche est ample, tout en rondeur. Les tanins sont polis, intégrés, à la manière d’un cuir déjà patiné. Puis vient cette finale persistante, où pointe une élégante touche saline. Un vin qui ne cherche pas à éblouir, mais qui marque par sa justesse. À mon sens, il est à son apogée après cinq à huit ans de garde, même s’il est déjà très séduisant sitôt ouvert (pensez à le carafer, cela révèle sa complexité comme un air de jazz dévoile son swing).

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Quand le vin devient confident

Boire un verre de Moulin Bellegrave, c’est engager la conversation avec un ami fidèle. Celui qui ne parle pas fort, mais qui raconte vrai. Celui qui se rappelle vos goûts, sans jamais les juger. Ce vin-là, je l’ai partagé autour d’un gigot d’agneau de lait frotté au romarin, rôtie doucement au four, accompagné d’une mousseline de topinambours au beurre noisette. Autant vous dire que c’était l’accord rêvé : la douceur terreuse du tubercule répondait parfaitement au caractère soyeux du merlot, et l’agneau soulignait la profondeur umami du vin.

Mais il se prête aussi à des scénarios plus simples : une planche de fromages affinés (ossau-iraty, tomme de brebis, mimolette vieille), voire une soirée d’hiver avec un bon polar et le crépitement du feu. Car parfois, il faut oser boire un bon Pomerol pour soi seul(e), sans chichi, sans public. Juste parce que c’est bon.

Un domaine responsable aux pratiques durables

Si déguster un vin, c’est aussi s’interroger sur les choix du vigneron, alors Moulin Bellegrave a de quoi rassurer les palais exigeants et les consciences éveillées. Le domaine est engagé depuis plusieurs années dans une viticulture durable, respectueuse des sols et de la biodiversité. L’enherbement naturel, les labours adaptés, la limitation stricte des intrants chimiques… tout ici tend vers un équilibre entre les attentes de la vigne et celles du vigneron.

On ne trouve pas d’étiquette tape-à-l’œil à tendance greenwashing : la démarche est sincère, presque pudique, comme le reste de l’ADN de la maison. Et ça aussi, c’est un luxe.

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Informations pratiques et conseils d’achat

Si le Château Moulin Bellegrave vous fait de l’œil, sachez que sa distribution reste mesurée mais accessible chez certains cavistes bien renseignés et via des plateformes spécialisées en vin de Bordeaux.

Le prix d’un millésime récent tourne autour des 35 à 45 euros la bouteille, une très belle affaire dans une appellation où les prix peuvent tutoyer les cieux. Vous y gagnez un grand vin de garde, avec toute l’âme d’un Pomerol, sans l’arrogance tarifaire.

Un conseil ? Si vous tombez sur un coffret de plusieurs millésimes, n’hésitez pas. Le vin exprime des nuances passionnantes selon les années : 2016, élégant et tendu ; 2018, solaire et riche ; 2020, déjà très harmonieux, promesse d’un avenir radieux.

Pomerol autrement : l’art d’être grand sans grandiloquence

À l’heure où certaines appellations jouent la carte du spectaculaire, Château Moulin Bellegrave nous rappelle que l’émotion peut naître du silence, de la lenteur et de l’intuition. C’est un vin qui ne cherche pas à briller à tout prix, mais qui vous éclaire de l’intérieur.

En le dégustant, on repense aux gestes du vigneron, à la brume du matin sur les rangs de vigne, à l’odeur des futaies humides et au frémissement d’une vie organique qui continue, loin des projecteurs. Ce vin a quelque chose de littéraire, de feuilleté. C’est un chapitre lent d’un grand roman bordelais, écrit sans majuscules mais avec beaucoup de cœur.

Alors, la prochaine fois que vos papilles réclameront un Pomerol, pensez à sortir des sentiers battus. Ouvrez un Moulin Bellegrave. Et laissez-vous raconter l’histoire.

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