Il y a des noms qui claquent comme un bouchon sautant un soir d’été. Freixenet, avec sa sonorité ibérique et son flacon satin noir reconnaissable entre mille, en fait parti. À la croisée des chemins entre tradition catalane et marketing bien huilé, ce mousseux espagnol, souvent présenté comme l’alternative accessible aux grandes maisons de Champagne, intrigue autant qu’il séduit. Mais au fond, que vaut vraiment ce vin effervescent qui s’invite aux apéritifs comme un ami de vacances venu avec sa guitare et un accent chantant ? Balade sensorielle dans les bulles d’un empire pétillant qui fait débat.
À la source : Sant Sadurní d’Anoia, capitale catalane des bulles
Avant de pulser ses fines perles sur les palais du monde entier, Freixenet prend racine à Sant Sadurní d’Anoia, petit village à une encablure de Barcelone. Là-bas, les vignes prennent le soleil sous le regard bienveillant des collines du Penedès, berceau historique du cava. Car oui, malgré son allure cosmopolite et ses airs de star de supermarché, Freixenet est d’abord un cava. Un vrai, produit selon la méthode traditionnelle (la même que celle du Champagne), alliant artisanat et bulle sérieuse.
L’histoire commence en 1861 avec la famille Ferrer, mais c’est en 1914 que la marque Freixenet prend vraiment son envol. Le nom provient de “La Freixeneda” – un domaine familial rebaptisé d’après les frênes qui y poussaient. L’élégance d’un nom, la puissance d’un storytelling.
Méthode champenoise, caractère méditerranéen
Si vous pensez que Freixenet c’est juste une liqueur de mode bue un soir de Nouvel An et aussitôt oubliée, détrompez-vous. Derrière les étiquettes dorées (et parfois même en éditions limitées façon flacon façon bouteille de parfum) se cache une vraie maîtrise œnologique dans la production du cava.
Freixenet suit scrupuleusement la méthode traditionnelle : deuxième fermentation en bouteille, élevage sur lies d’un minimum de 9 mois (souvent plus), dégorgement… Rien à envier aux champagnes, du moins sur le papier. Les cépages ? Macabeu, Xarel·lo et Parellada en trio de choc majoritaire, avec parfois une touche de Chardonnay pour arrondir les angles. Le soleil catalan fait le reste, apportant cette rondeur fruitée qui distingue nettement le cava du champagne, souvent plus nerveux, plus septentrional dans ses nuances.
Freixenet en bouche : plaisir immédiat ou bulle de savon ?
Alors, dégustons. Le Cordon Negro Brut, fleuron de la maison, se présente dans sa célèbre bouteille noire mate. Le nez offre des arômes de pomme verte, une pointe de poire, quelques notes légèrement toastées qui trahissent l’élevage sur lies. En bouche, c’est net, désaltérant, avec une bulle fine sans excès. Pas de complexité exubérante, mais une honnêteté brut d’efficacité : ce cava brut fait le job – et plutôt bien quand il est servi bien frais, à l’apéritif avec quelques olives noires ou une chiffonnade de jamón ibérico.
Et puis vient le Freixenet Ice, proposé dans une bouteille blanche nacrée à boire… sur glace. Le sacrilège diront les puristes ! Peut-être. Mais à l’heure où les maisons de Champagne elles-mêmes adaptent leurs cuvées aux cocktails estivaux (coucou Moët Ice Impérial), pourquoi ne pas accorder un droit à la fraîcheur et à la légèreté ? Avec des arômes de pêche blanche, d’agrumes mûrs et une bouche souple, le Freixenet Ice joue la carte hédoniste sans complexe, pensé pour des terrasses ensoleillées plutôt que pour les salons feutrés.
Un succès planétaire : marketing, tu nous tiens
Freixenet, c’est aussi une affaire de stratégie. L’entreprise exporte plus de 80 % de sa production et trône sur les étagères de 143 pays. Elle s’est même alliée au groupe Henkell, un géant allemand des mousses, pour former un mastodonte des vins effervescents. Derrière cette expansion, une image forte : celle du bon vin festif, glissant doucement dans le glamour et accessible à tous, à des prix qui commencent bien en-dessous d’une bouteille de Champagne entrée de gamme.
La marque ne s’est pas contentée de suivre la vague – elle l’a en partie créée. Packaging soigné, campagnes élégantes, collaborations audacieuses (Freixenet x Maje, si vous avez manqué cela)… Elle parle autant mode de vie que terroir. Et ça marche.
Freixenet et le Champagne : rivaux ou cousins ?
C’est le cœur du débat, n’est-ce pas ? Certains puristes hausseront les sourcils : « On n’ose même pas comparer ! » D’accord, le Champagne règne encore en maître sur l’aristocratie du pétillant. Terroirs crayeux, climat septentrional et savoir-faire centenaire lui confèrent indéniablement une complexité et une finesse superlatives dans ses meilleures expressions.
Mais tout le monde n’a pas 40 euros à investir dans une bouteille de Grands Crus. Et c’est ici que Freixenet entre en scène, tel un comédien populaire charmant et sincère. Il ne joue pas dans la même ligue, mais il apporte une réponse cohérente à une demande : celle d’un plaisir immédiat, accessible, sans tralala ni snobisme.
Faut-il l’opposer au Champagne ? Peut-être pas. On pourrait plutôt parler d’un cousin méridional, solaire et accueillant, qui ravira les papilles avec simplicité, pourvu qu’on ne lui en demande pas ce qu’il ne promet pas d’être.
Quand le servir ? Comment l’associer ?
Vous cherchez un compagnon pour vos apéros d’été, vos brunchs du dimanche, ou même un dessert aux fruits jaunes ? Freixenet dégaine tout un éventail de cuvées pour répondre aux contextes les plus variés :
- Cordon Negro Brut : Idéal avec des tapas, des fruits de mer, un poisson grillé. Il nettoie le palais, rafraîchit, stimule l’appétit.
- Freixenet Rosé : Association divine avec un carpaccio de fraises, une panna cotta aux fruits rouges ou une salade d’été à la pastèque et menthe.
- Freixenet Ice : Osez quelques feuilles de basilic frais dans le verre, quelques glaçons et si le cœur vous en dit, une lamelle de concombre. Oui, vous avez bien lu.
Ces cuvées ne prétendent pas épater un jury de concours œnologiques. Elles promettent plutôt des moments décomplexés et joyeux. Et parfois, c’est tout ce qu’on demande d’un vin.
Quelques anecdotes à faire pétiller vos soirées
- La cave d’origine de Freixenet est traversée par un petit train, utilisé autrefois pour transporter les bouteilles entre les différentes galeries. Une mini-aventure souterraine à la Jules Verne !
- La première campagne publicitaire télévisée de la marque remonte à 1977. On y voit Audrey Hepburn trinquer langoureusement dans ce qui allait devenir un des spots les plus iconiques du cava espagnol.
- Chaque année, Freixenet sponsorise le traditionnel spot publicitaire de Noël en Espagne. C’est devenu un rite, une institution, presque aussi attendu que le calendrier de l’Avent…
Et si on l’osait au spritz ?
La mixologie, ce joli mot qui redéfinit les contours du bar. Et si le cava avait toute sa place dedans ? En remplacement du prosecco dans un spritz, Freixenet apporte un supplément de sécheresse et de tension minérale. Ajoutez-y de l’Apérol ou un peu de vermouth blanc catalan, une orange sanguine, et hop – la Catalogne dans un verre.
Pour les plus audacieux, un cocktail très frais peut naître d’un mariage entre Freixenet Ice, un trait de gin méditerranéen infusé au thym et une touche de citron vert. Saveurs ibériques garanties, imagination en bandoulière.
Comme souvent en matière de vin, le secret tient moins dans l’étiquette que dans l’attente que l’on place dans la bouteille. Si vous cherchez la complexité d’un blanc de blancs millésimé, passez votre chemin. Mais pour un moment de plaisir éphémère et lumineux, Freixenet a de sérieux arguments. Des bulles festives, un zeste d’Espagne et un soupçon de flamme dans les yeux — que demander de plus, sinon une deuxième coupe ?
